
Avant-propos
Embarquer le public à travers un mythe grec, c’est pouvoir lui offrir un voyage aller-retour dans un épisode de l’Iliade où se côtoient les masques et les figures des ancêtres de notre civilisation. Revenir aux origines quand les repères de notre monde s’effritent.
Iphigénie. C’est l’histoire d’un sacrifice humain. Celui d’une jeune princesse. De la famille maudite des Atrides. Un sacrifice humain exigé par les Dieux. Pour que les vents se lèvent. Pour que l’immense flotte de l’armée grecque puisse hisser les voiles. Et que tombe Troie.
Depuis toujours je reste fascinée par ce mythe. Des illustres poètes ont raconté l’histoire d’Iphigénie dans des versions différentes. Le point commun entre eux demeure ce sacrifice que son père finira par accepter. La destinée tragique de cette jeune fille a toujours éveillé en moi une grande compassion. Une indignation, aussi. Les grands mythes sont de vastes territoires où résonne l’écho de nos récits personnels et collectifs.
Il existe dans de nombreuses mythologies et notamment dans la mythologie grecque la métaphore de la traversée sur l’eau comme passage d’un monde à l’autre.
Pour transporter les spectateurs du monde d’aujourd’hui vers le monde d’hier, la traversée maritime est apparue évidente dans l’écriture de cette pièce. D’autant plus que le mythe d’Iphigénie est structurellement lié au vent et à la navigation. Les déambulations théâtrales ont donc été imaginées comme des traversées, des déplacements collectifs sur terre comme un voyage en mer. Et ce voyage se veut une invitation à lever les voiles ensemble pour retraverser nos origines et peut-être mieux saisir notre présent.
Les guerres n’en finissent pas de finir et grondent non loin des portes de nos maisons.
Les guerres ont, paraît-il, toujours existé depuis que l’homme est l’homme.
Et si, à travers un mythe grec, comme celui d’Iphigénie et de la guerre de Troie, nous invitions le public à changer l’histoire, à changer de récit, pour mettre le cap vers de nouveaux espoirs?
Le théâtre de rue et le dynamisme de la déambulation sont des outils artistiques formidables pour accompagner l’expression de spectateurs en quête de sens et de place.
Imaginer le public devenir des soldats en partance pour la guerre. Ces troupes au pas traversant l’espace public. Puis voir ces soldats-matelots se rebeller contre leur sort, ne pas vouloir partir à la guerre ! Et décider de changer de cap. Une flotte pour défendre la paix !
C’est une des raisons de mon travail artistique. Une des raisons qui donne sens à tout le chemin déjà parcouru. Imaginer les spectateurs s’emparer de valeurs humanistes dans l’espace public face à la destruction du vivant, à la violence, au génocide et au retour du fascisme.
Delphine BOISLIVEAU
Pour consulter le manuscrit déposé à la SACD : Iphigenie-texte.pdf

